jeudi 23 décembre 2010

Big Brother

Je reviens sur ma première collaboration avec Nicolas jean, que j’évoquais plus tôt : Big Brother. Si je regrette de n’avoir pu dessiner cette histoire, vraiment grinçante et renouant avec le Dredd sombre et irrévérencieux des débuts, le projet aura eu le merite de nous ouvrir les portes de 2000AD. Nous avons donc crée pour eux des « Terror Tales », histoires complètes typique de l’esprit du mag, entre horreur et humour noir.
Généralement, je ne réfléchis pas vraiment au style que je vais adopter pour illustrer l’histoire. Pour tout ce qui est des décisions sensées, je ne fais pas confiance à ma raison et préfère laisser les commandes à l’instinct ! Mais dans ce cas, j’ai fait fausse route. La première version que j’ai réalisé -et que j’ai finalement jugé trop léchée et froide- avait surement pour fonction première de me rassurer, elle était surement due au fait que je voulais livrer un boulot vraiment chiadé, parce que j’étais impressionné par ce magazine.



Poubelle donc, et redémarrage dans un esprit qui, encore aujourd’hui, me semble plus adapté au ton de l’histoire.
Par contre, le board est resté inchangé : je voulais profiter de l’occasion pour m’essayer à un découpage plus « comics ». Par gout, j’utilise des cadres assez franco belge, 3, 4 bandeaux, assez sage. J’ai le sentiment, à tort ou à raison que le cadre doit s’oublier pour fluidifier la lecture, et que les effets de styles, les cases éclatées, sont surtout un plaisir de dessinateur, qui peut nuire à la lecture. Imaginez qu’au cinéma, la taille de l’écran bouge sans cesse. Surement un concept intéressant, mais pas sur que ça gagne en immersion.
Dans ce cas, donc, exit ces considérations, encore une fois, le découpage plus « éclaté », en dehors de représenter un chouette terrain de jeu, paraissait adapté à l’esprit iconoclaste de l’histoire et du mag. Je me rends compte rapidement que dans ce genre d’exercice, le placement des bulles devient primordial, c’est lui qui guide la lecture dans tous ce fouillis. La première fois que j’ai posté la planche finale sur le CFSL, sans les textes, les gars du forum était un peu perdus dans la lecture du board.
La planche finale, étape par étape (rough, encrage, couleurs), plus le début de la page 2 en rough. Les bulles sont un peu crades, je l'ai avait mise en indication, puisqu'elle sont au final placées et lettrées par un lettreur du mag.







Nico étant ami avec Simon Fraser, le dessinateur de Nikolaï Dante, nous lui faisons passer le dossier qui ne tarde pas à trouver un écho en la personne de Matt Smith. Je reviendrais sur deux histoires que nous avons réalisé pour 2000AD, « Bitter reflections » et « Hunters », d’ici là…

…Stay tuned !
Et bonnes fêtes à tous!



samedi 4 décembre 2010

Step by step

Il est acquis pour les dessinateurs et les lecteurs passionnés que dessiner une planche est un travail assez difficile (et il en va de même pour les scénaristes, soyons fair play). Pas la mine, ok, mais cela demande du temps et de la concentration. Je me suis parfois retrouvé devant des gens qui avaient le sentiment bien ancré que les dessinateurs avait une sorte de « don », acquis visiblement à la naissance, et qu’il nous suffisait de prendre une feuille et un crayon et de pondre un dessin fini en quelques instants. Je crois que c’est ce sentiment, plus que le fait de travailler dans un medium à la réputation tenace d’être destiné aux morveux et à ceux qui n’ont pas grandi (Intéressant de constater que si on suit ce raisonnement, les enfants sont comme des adultes, mais demeurés), qui vaut aux dessinateurs le fameux (et tout à fait véridique) : « mais sinon, t’as un vrai métier ? ». Étrangement, il est arrivé aussi qu’on m’accuse d’être mythomane quand à la question « qu’est ce que tu fais dans la vie », je répondais « de la BD ». Je suis questionnement…
Non, ce n’est pas facile, et les seuls dessinateurs qui semblent avoir des « facilités » que je connais on en fait bossé comme des dingues. Et vous ne pourrez pas trainer plus d’une heure dans un atelier de dessinateurs sans entendre, venant d’une table, un chapelet de jurons plus grossier les uns que les autres, accusant abusivement le crayon, l’encre, l’ordinateur, le temps qu’il fait, voire la table, parce que ce dessin ne veut pas sortir correctement. Non, pour être tout à fait honnête, on entends surtout « Mais c’est pas vrai ! Je sais pas dessiner ou quoi !? »
Mon coté revanchard ne l’emporte pas sur le didactique, Et en fait, tout ça à un coté assez amusant.

Mais autant que les choses soit claires : Oui, je pense que la BD est un art.

Quoi qu’il en soit voilà un bref aperçu du travail sur une planche.

J’ai pris l’habitude de dessiner en marge des pages de scénarios (que ceux qui pense que je devrais écrire scenarii se rajoute également une majuscule à Art). Ici, la page 5 de Rock et Stone, par Nicolas Jean. Le plus souvent, je jette quelques croquis dès la première lecture, pour noter les premières impressions. Il arrive que ces impressions soient confirmées ou infirmées par la suite du texte, ou simplement qu’avec le recul, la première idée ne soit pas la meilleure. Mais il arrive aussi qu’elle donne une clé importante qui va donner un axe pour toute la séquence. A force de jouer à ce petit jeu des marges (une vieille habitude de l’école, semble-t-il), j’imprime désormais les pages de scénar (io ou ii, faites votre soupe) avec le texte calé sur la gauche pour avoir plus de place (je sais, on peut y déceler une parabole des relations entre auteurs, vous êtes pervers). Dans le cas ici présent, nous avions déjà longuement parlé de la séquence avec Nico, et les croquis sont déjà assez avancés.



Le board définitif : Il manque entre ces deux étapes pas mal de tâtonnements et de recherches. Je reviendrais surement plus longuement sur la phase de découpage, à mes yeux la plus importante, ou se décide simultanément la lecture (sa fluidité, et « l’art invisible » pour reprendre Scott McCloud  consistant à guider le regard du lecteur), le cadrage et la composition, la taille et l’enchevêtrement des cases, des ellipses, des bandeaux. Un casse tête passionnant. J’ai fait quelques très légers changement avec l’accord de Nico, sur le grommèlement (plus graphique) case 2, et le AH ! case 6 qui donnait plus d’immédiateté. Mais en fait, c’est toujours du travail de board. Je place également les textes pour positionner les bulles.



Après avoir discuté de ce découpage avec les gars du Zarmatelier, il s’avère qu’il serait bon d’améliorer la case 2, ce qui va en plus me permettre de guider le regard du lecteur du BAM entre la case 1 et 2, vers la bulle et le regard en haut de la case 2, et directement récupérer la case 3 par le haut de l’image.  Sur mon carnet je cherche en parallèle les attitudes de Stan (sur le croquis, recherches pour la case 5).



Le rough ci-dessus est la version mise au propre, la plus aboutie du crayonné. Ci-dessous une version rough de la case 3, que, toujours sur les conseils des potes de l’atelier, j’ai finalement redessinée. Sur cette version, j’avais un peu perdu de vue ce que devait dire la case, et l’attention se diluait.



Une fois les crayonnés terminés, je les imprime en bleu clair (le cyan disparait mieux au scan) sur un lavis technique, j’encre au pinceau et à l’encre de chine. C’est une partie assez…hum…« sensible ».



Ensuite, le lavis, ou eau sale, en diluant l’encre avec de l’eau, pour un résultat visible sur le post précédent.
Pour en revenir à l’art invisible consistant à guider le regard du lecteur, voilà ce que j’ai essayé de faire. Généralement, j'essaie d'emmener le regard vers la planche suivante dans la dernière case. Mais ici, j'ai voulu "boucler" sur le regard de Stan, plus important, et parce que l'ellipse entre cette case et la suivante sur la page d'après gagnait à être plus importante.




A la mise en couleurs (numérique), j’ai poursuivi ce travail (par exemple avec l’échelle bleue case 5), en opposant les teintes froides et chaudes, le contraste et la saturation, etc.



C'est tout pour aujourd'hui!
Stay tuned!